René Métairie
Un regard plus quun il
René Métairie, photographe, aime capter les regards, les expressions du visage des gens quil croise. Dans son livre Gens de Cornouaille et dailleurs, il nous livre quelques-uns de ses plus beaux clichés.
Si René Métairie sest dabord passionné pour la musique, la peinture, le théâtre, cest dans lart de la photographie quil excelle depuis plus de quarante ans. Aujourdhui âgé de 61 ans, le photographe a récemment réalisé un livre, Gens de Cornouaille et dailleurs dans lequel il a rassemblé une partie de son uvre. Un livre à compte dauteur, pour pouvoir choisir librement ses photos et faire de cet ouvrage quelque chose de personnel, reflétant pour le mieux ses années de travail.
Originaire de Macon, dans le Morbihan, René Métairie débute sa carrière comme apprenti chez Guy Desbois, photographe dans la même ville alors quil na que 14 ans. Il est dailleurs le premier breton à obtenir son CAP en 1960. Il est ensuite employé au magasin Le Grand à Concarneau et réalise durant cette période un grand nombre de clichés : « En plus de mon travail la semaine, je ne me promenais jamais sans mon appareil photo le week-end. Cétait ma passion. » Cest en 1971 quil ouvre sa propre boutique à Scaër. Mais alors quil photographie mariages et communions, il ne cesse dexercer son art et dexceller toujours en noir et blanc. Il oublie la couleur et ne se préoccupe que de la lumière, quil maîtrise parfaitement. Jouant avec les ombres, poussant parfois les contrastes il obtient des images dune rare force.
Le portrait, son art
Ses sujets, il les trouve près de chez lui. Pendant plus de vingt ans, il a sillonné les routes de campagnes à la rencontre des gens du pays, des paysans, des pêcheurs, des bigoudènes. Les paysages linspirant beaucoup moins. « Jaime particulièrement photographier les personnes âgées. Il y a une force dans les expressions de leur visage, dans leur regard, qui me touche. Je ressentais quelque chose à chaque fois que je les photographiais », confie René Métairie. Pas toujours facile de les figer en images, un travail qui demande beaucoup de patience, de respect. « Personne na jamais refusé que je le prenne en photo. Il faut prendre son temps, échanger avec le sujet, le mettre à laise. »
Le photographe ne manque dailleurs pas danecdotes : « Sur la route de Combrit, vivait une vielle dame que je souhaitais prendre en photo. Plusieurs fois je me suis arrêté pour le lui demander, sans succès. Jusquau jour où elle a eu besoin de moi pour lui changer sa bouteille de gaz. Alors, elle na pas pu refuser. » Si lon dit que les images parlent delles-mêmes, cest pourtant à chaque fois une nouvelle histoire pour les réaliser. Cest par exemple la rencontre avec une bigoudène à la sortie dun pardon : « je prenais des photos de cette dame à la sortie de la messe parmi la foule de paroissiens. Elle mavait très bien vu. Venue à pied au pardon, elle me demande alors de la ramener chez elle. Un échange en quelque sorte. » Le photographe en est dautant plus enchanté quil a pu réaliser dautres clichés chez la vieille dame en coiffe. Une aubaine pour lui. « Cest très intéressant de les photographier dans leur environnement quotidien. Le décor va avec le personnage. »
Talentueux, mais humble
Si René Métairie a été honoré des titres les plus prestigieux, il a toujours gardé cette simplicité, cette humilité, la même que les personnages quil photographiait. En 1969, il obtient déjà le deuxième prix national du Figaro avec un superbe cliché : « La rose des sables ». Un visage dune femme allongée sur la plage, les yeux fermés, sur lequel on a déposé quelques grains de sables. La lumière du soleil du soir, rasant, venant éclairer cette scène de toute beauté. « Je réalise mes photographies à la lumière du jour. Certaines sont faites en studio, à laide de projecteurs, mais je nutilise jamais de flash. » Cest ainsi que le photographe obtient des contrastes saisissants entre ombres et lumières, qui donnent cette intensité à limage. Pierre-Jakez Hélias a écrit ceci : « Cest en regardant les personnages et même les lieux piégés par René Métairie que lon se persuade quun regard est beaucoup plus quun il. » Un bel hommage, celui qui a le plus touché le photographe durant sa carrière.
Le nom Métairie ne vous dit peut-être rien mais certaines de ses photos ont fait le tour du monde, ont rempli les pages de magazines tels Paris Match ou le Sun. « Les chevaux souriants » reste la plus connue dentre elles. On y voit deux têtes de chevaux laissant apparaître toutes leurs dents. Elle paraît pour la première fois en 1965 dans Paris Match et aurait été vue dans le bureau de Mikaël Gorbatchev. « Par hasard, en me promenant sur la plage de Pouldohan, je suis tombée sur la scène dun paysan en train de baigner ses chevaux. » Une rencontre fortuite pour une photographie figée à jamais. Par ailleurs, René Métairie a été le premier photographe breton à exposer au musée national de la photographie à Paris en 1989.
Cet homme na pourtant jamais surfé sur la vague du succès. Il a toujours préféré rester travailler à Scaër. « Certes la photographie cest ma passion, mais javais une femme et trois enfants, et je ne les aurais jamais laissés pour mener ma carrière. »
Le titre de son livre évoque cependant aussi des « gens dailleurs ». Visages de Guadeloupe, de Turquie entre autres où il sest rendu récemment. « La Turquie ma beaucoup intéressée, les gens étaient dune grande gentillesse. En prenant des clichés des paysans là-bas, jai eu limpression dêtre dans la campagne cornouaillaise des années 70. » Nostalgique peut-être ?
Émilie Chaussepied
Exposition à la Chambre de commerce et dindustrie de Quimper jusquau 15 mars 2006.